Elsa Levy publie son nouveau roman Je n’oublierai jamais le 11 octobre 2023 aux Éditions City et nous offre un témoignage personnel, édifiant et nécessaire.
Un mot sur l’auteure
Elsa Levy est auteure d’un essai remarqué intitulé Je de société : Moi, chômeur de la République en 2015. Elle a aussi écrit des billets d’humeur pour Europe 1, Causette, Mediapart et rédigé des piges environnementales pour le Parisien. Elle est également plasticienne. À travers ses multiples réalisations artistiques, elle questionne de façon impertinente et radicale la comédie des apparences en société.
Le fil conducteur de son activité étant l’écriture, elle publie un roman feel good Bouddha Boudoir en 2017 aux éditions Intervalles, Johnny a tué mon père en 2020 et Je n’oublierai jamais, éditions City, Hachette en 2023.
Quatrième de couverture
En apparence, Elsa est une femme épanouie et pétillante. Pourtant, au fond d’elle-même, elle est rongée par de terribles angoisses, sans vraiment comprendre pourquoi. Jusqu’à une nuit d’insomnie où le traumatisme que sa mémoire refoule depuis 30 ans revient d’un seul coup : à 8 ans, elle a été violée par son médecin traitant. Elsa réalise alors que ce viol lorsqu’elle n’était qu’une enfant a eu des conséquences dévastatrices dans tous les pans de sa vie. Et confie « à 8 ans j’ai pris la perpétuité ». Dans une société qui baigne dans l’impunité. Dans ce livre, Elsa brise la loi du silence pour inciter les victimes à oser parler et donner des mots à celles qui n’en ont plus. Elle se bat aussi pour que la loi française évolue et que de tels actes ne puissent plus être prescrits. Parce qu’il y a des choses qui marquent une existence au fer rouge et qui ne s’oublient jamais…
Mon avis
Je n’oublierai jamais est un témoignage fort et personnel. Un titre parfait qui représente une forte douleur encrée.
L’autrice se met à nu et on découvre les conséquences dévastatrices du traumatisme.
Elsa nous narre sa vie, son travail et ce qu’elle a subi à l’âge enfant. Une blessure qui la hante et qui ne cicatrice pas.
Je ne comprenais pas bien ce qui s’était passé, mais je sentais que quelque chose de terrible avait eu lieu. Et je pensais que c’était de ma faute.
À travers son histoire, elle brise le silence et pointe du doigt le délai de prescription qui protège les agresseurs. La seconde partie est une sorte de combat, une plaidoirie juridique pour évoluer la loi française. Un système qui ne tourne pas rond et il est temps que les choses changent.
Je lisais que, selon la loi, un abus sexuel sur mineur était prescrit 20 ans après la majorité. C’est-à-dire à l’âge de 38 ans. Je n’avais pas besoin de faire de longs calculs pour comprendre que cela faisait pile 21 ans que j’étais majeure. Par conséquent, cela faisait un an que « l’affaire » était prescrite. Une « affaire » prescrite avant même de la déterrer. Je trouvais cela aussi fou qu’insupportable.
Elsa nous narre ses pensées, ses envies, ainsi que ses longues recherches que vous retrouver à la fin du roman en annexe.
Quant à la plume, elle est fine, authentique et percutante. Les mots sont forts et résonnent en nous.
Et le seul dédommagement que je souhaitais, c’est qu’il ne dormirait jamais tranquille. J’avais pris la perpétuité à 8 ans, les éventuelles insomnies de mon bourreau me consolaient a minima. C’était l’unique condamnation que je pouvais prononcer, un sommeil altéré par la culpabilité. Une existence sur le qui-vive. Une âme et conscience emprisonnées. Que cet individu puisse craindre la justice, l’appréhender dans sa chair, c’était déjà la voir agir. C’était déjà une condamnation. C’était ma paix contre la sienne, tant les deux devenaient incompatibles. La mienne dépendait de son intranquillité éternelle. Cela me semblait être une peine juste, permettant de condamner à vie sans condamner à mort. Une sorte d’imprescriptibilité symbolique.
Le lecteur ressent une multitude d’émotions. Un livre d’espoir.
Je rêvais alors d’une société mature et évoluée. Digne. Une société qui leur parlerait comme Xuxa savait le faire, droit dans le coeur. Une société qui agirait d’une part au niveau de la cellule familiale, pour prévenir des dangers extérieurs, d’autre part au niveau des institutions (…) pour prévenir des dangers intra-familiaux.
Un sujet difficile mais nécessaire. J’admire la force et le courage d’Elsa qui a posé des mots sur des maux malgré une cicatrice indélébile. Un texte puissant et presque libérateur.
Un témoignage nécessaire et à glisser entre vos mains.
- Parution le 11 octobre 2023 aux Éditions City
- 255 pages
- Ma note 16/20